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11/02/2015

SwissLeaks : Bergé fou de rage

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"Ce n'est pas pour ça que je leur ai permis d'acquérir leur indépendance", dit-il des journalistes du Monde :


 

  

On savait que l'ultralibéral Bergé était un ami du genre humain : « Moi je suis pour toutes les libertés. Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l'usine, quelle différence ?» , déclarait-il le 16 décembre 2012.

On découvre maintenant que c'est un ami de la liberté d'expression. Fou de rage devant l'enquête du Monde sur le scandale HSBC, ou SwissLeaks, Bergé vient de déclarer : « Ce n'est pas pour ça que je leur ai permis d'acquérir leur indépendance. » (Ce « leur » désigne les enquêteurs).

Une phrase pareille est une synthèse.

« Je leur ai permis » est déjà admirable : M. Bergé se voit en deus ex machina.

Mais son « ce n'est pas pour ça » est un cri du cœur ! Quand un affairiste comme M. Bergé devient actionnaire (de référence) d'un journal (de référence), c'est pour que ce journal reflète le point de vue des affaires : ce n'est pas pour qu'il divulgue les noms* de grandes gentilles vedettes qui planquent des millions dans les paradis fiscaux pendant que leur public pointe au chômage. Et plus radicalement : ce n'est pas pour que ce journal enquête sur une affaire comme le SwissLeaks.

Il faut en effet regarder, étudier, conserver –  et réutiliser dans l'avenir – le dossier du Monde daté du 10 février, cause de la rage de M. Bergé.

Annoncé à la une par un titre d'une taille et d'une typographie inhabituelles («COMPTES SECRETS EN SUISSE – LE GOTHA DES ÉVADÉS FISCAUX FRANÇAIS »), ce dossier compte douze pleines pages. Il décortique l'affaire HSBC, démonte « l'industrie illicite » de l'évasion fiscale, souligne l'ampleur planétaire de cette industrie et le volume colossal de la masse financière ainsi soustraite au bien commun.

Il s'agit en effet, expliquent les enquêteurs, d'une « stratégie financière partagée par les professions les plus rémunératrices » sportifs, clowns officiels, chefs d'entreprise, patrons de l'immobilier, croupiers et joueurs du marché de l'art, politiciens de tous les partis... Comme dit l'éditorial du Monde qui pour une fois ne pense pas faux : « Alors que les budgets des Etats sont sous tension, que les classes moyennes subissent une pression fiscale sans précédent, [cette photographie d'un système bancaire] montre que certains choisissent de s'exonérer de leur devoir de solidarité, préférant laisser la charge de l'impôt sur de plus modestes qu'eux. »

Et comme le dit le pape François dans l'exhortation apostolique La joie de l'Evangile, « une corruption ramifiée et une évasion fiscale égoïste ont atteint des dimensions mondiales » : preuve supplémentaire de l'inanité de la théorie du ruissellement  « qui suppose que chaque croissance économique, favorisée par le libre marché, réussit à produire en soi une plus grande équité et inclusion sociale dans le monde... » Cette théorie « jamais confirmée par les faits » exprime, selon le pape, « une confiance grossière et naïve dans la bonté de ceux qui détiennent le pouvoir économique et dans les mécanismes sacralisés du système économique dominant. »**

C'est pour avoir posé ce diagnostic que le pape François est haï de la droite libérale. Elle fait semblant de lui reprocher d'en vouloir « à la famille » (ce qui n'est évidemment pas le cas) : mais ce qu'elle lui reproche vraiment est d'en vouloir au capitalisme libéral (ce qui est le cas).

Comme quoi les fureurs des amis du cardinal Burke sont de même nature que celles de M. Bergé. Comme disait Clinton : it's the economy, stupid.

 

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Désigner par leur nom des stars, des grands requins ou des potentats, M. Bergé appelle ça « de la délation ». Il n'a pas considéré comme « délation » la chasse aux sorcières à laquelle il appelait contre les simples citoyens qui contestaient la loi Taubira.

** La joie de l'Evangile, §§ 54 et 56.

 

Commentaires

84 ANS

> Finalement j'ai changé d'avis, je suis pour l'euthanasie obligatoire des patrons de presse de plus de 84 ans. Je ne vise personne en particulier bien sûr.
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Écrit par : Renaud Tancrède / | 11/02/2015

LIBERTÉ

> L'espoir est là: C'est heureux que l'argent ne puisse pas tout commander. Liberté, premier mot de la devise nationale: Elle est rafraîchissante la liberté, surtout venant des journalistes du Monde.. Bravo à eux.
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Écrit par : Tassel / | 11/02/2015

SERVITUDE

> De la part de Pierre Bergé, on ne « découvre » rien ; il s’est toujours déclaré contre la liberté de la presse. Ou du moins contre la liberté de journalistes travaillant pour un journal dont il est le propriétaire. C’est le droit imprescriptible d’user et d’abuser de ce qui vous appartient… La liberté des Libéraux n’est-elle pas, de fait, « la route de la servitude » ?
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Écrit par : Blaise / | 11/02/2015

POURQUOI ?

> Pardonnez-moi, je ne maîtrise ni ne comprends tout de cet univers.
Pourquoi leur en veut-il ?
Il est nommé dans la liste?
Des amis à lui ?
Ou le principe ?
Ou les trois à la fois ?
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Écrit par : LR / | 11/02/2015

LE CONTRAIRE

> « Ce n'est pas pour ça que je leur ai permis d'acquérir leur indépendance. »
" L'homme n'est pas une marchandise comme les autres. "
Ça un nom cette façon de dire le contraire de ce qu'on semble dire ?
Ou est-ce une merveilleuse invention de notre époque ?

Guadet


[ PP à G. - Dans son célèbre roman '1984', Orwell appelait ça la "novlangue" : un idiome officiel dans lequel les mots n'ont plus de sens. C'est l'impression qu'on a (par exemple) devant la bouillie verbale de François Hollande. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Guadet / | 11/02/2015

SERVITUDE

> " La liberté des Libéraux n’est-elle pas, de fait, « la route de la servitude » ? " ... j'aime bien la formule !
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Écrit par : Roque / | 11/02/2015

COMIQUE MONDAIN

> Ma question c'est "est ce qu'il y a eu de la part du monde "journalistique" une agitation... un cri "au scandale" "au meurtre" "aux terrorismes" à l'encontre de M Bergé ?
La liberté d'expression ou la farce démocratique française. La liberté s'arrête quand on gêne les amis. Ou quand elle vous fait de l'ombre.
Monsieur Bergé est un comique mondain. Il est un spectacle à lui tout seul.
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Écrit par : Sonia / | 12/02/2015

TYCOON

> Misère de la presse écrite actuelle : les lecteurs ayant déserté, nul ne peut survivre sans les ronds de quelque tycoon. Dont les intérêts bien compris limiteront nécessairement le travail des journalistes. Que leurs lecteurs alors mépriseront et cesseront de lire. Cercle vicieux.

JG


[ PP à JG - Oui : c'est ce que Bergé appelle "leur indépendance". ]

réponse au commentaire

Écrit par : JG / | 12/02/2015

DANSEUSES

> Même Julia Cagé a enfin découvert que «les médias sont trop souvent devenues les danseuses pour milliardaires ...»:
http://www.youtube.com/watch?v=VfNYLzE13cw
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Écrit par : Steffen Hein / | 12/02/2015

A QUI

> Bonjour,
La citation est fort révélatrice, il serait très intéressant de savoir d'où elle provient ? J'imagine mal le bonhomme déclarer cela tout rond face à des journalistes ... du 'Monde' ! A qui s'adresse-t-il ?
Merci pour votre travail de décryptage ...
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Écrit par : NBO | 15/02/2015

CHARLIE

> M. Bergé a, je crois, fait cette déclaration au micro de RTL. Ce n'est pas la première fois qu'il s'en prend publiquement aux journalistes du groupe Le Monde.
Il l'avait fait violemment contre JP. Denis, coupable à ses yeux d'avoir écrit des éditos dans La Vie hostiles au mariage de personnes de même sexe.
Il l'a fait contre un journaliste du Monde des Livres dont il n'apprécie pas les critiques.
C'est son habitude de "tacler" les journalistes de son groupe.
Une chose est sûre : pour lui on peut faire preuve d'irrespect à l'égard des religions. Mais pas à l'égard de l'argent et de ceux qui en ont ! Avec P. Bergé, l'esprit "Charlie", c'est "touche pas au grisbi !"
______

Écrit par : Bruno Voisin / | 16/02/2015

Les commentaires sont fermés.